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Éthique VS Bioéthique / Rôles de la Bioéthique

L'éthique versus la bioéthique

Afin de situer la bioéthique dans le domaine plus vaste qu'est l'éthique, il faut d'abord mieux définir ce qu'est l'éthique. Ensuite nous établirons des parallèles et des différences entre la bioéthique et l'éthique, ce qui permettra de mieux comprendre le rôle et la situation de la bioéthique.

Depuis toujours l'homme agit. Le désir est à l'origine de l'existence et est la source des actions de tout individu. Son but ultime est la réalisation de soi-même. Que ce soit de façon consciente ou non, nous agissons toujours en fonction de notre désir. Par exemple, lorsque je suis au restaurant et que je choisis un steak, c'est parce que j'en ai envie. Il est facile de voir que j'ai agi de façon consciente, en fonction de mon désir qui était de manger un steak. Prenons maintenant le cas d'un étudiant assis dans une classe lors d'une belle et chaude journée de printemps. En demandant à cet étudiant s'il désirait davantage être à l'extérieur plutôt qu'en classe, il est fort probable que la réponse serait affirmative. Cependant, cet étudiant aurait tort puisque si tel était le cas et que son désir était celui d'être dehors, il y serait. Or, le fait qu'il reste en classe traduit, de façon inconsciente que c'est, au fond, ce qu'il désire le plus. Et ce, pour différentes raisons qui lui sont inconnues à cet instant.

Cependant, le désir de l'un n'est pas le désir des autres. Une personne qui agirait toujours de façon spontanée, en accordant toute l'importance qu'à ses propre désirs, parviendrait plus souvent qu'autrement, au contraire de ce qu'elle souhaite véritablement accomplir, soit à la violence, à la destruction et à l'échec. Ainsi, l'éthique a pour but de modérer les actions spontanées engendrées par le désir, et ce, en transformant celles-ci en actions réfléchies par le biais de la réflexion suscitée par le désir lui-même, voulant favoriser sa propre réalisation. Afin de modérer nos désirs, l'éthique se base sur les notions du "Bien" et du "Mal", qui sont elles-mêmes définies selon nos valeurs morales.

Si l'éthique a su répondre pendant si longtemps à nos incertitudes morales, il est permis de se demander à quoi attribuer la venue de la bioéthique ? Le rythme effréné avec lequel nous évoluons dans les domaines scientifico-technologiques et biomédical, domaines qui jouent un rôle déterminant dans le destin de notre planète et par le fait même de notre existence, le besoin d'élaborer une éthique universelle est apparu indispensable. Cependant, même si ce besoin s'est fait ressentir avec autant d'acuité, la tâche philosophique de fonder une éthique universelle n'en demeure pas moins ardue et ce, parce que nos sociétés démocratiques admettent le pluralisme des opinions éthiques. Elles ont fait de ce dernier une valeur, au titre du "respect des différences".

Comme son nom l'indique, la bioéthique repose sur les fondements de l'éthique. Cependant elle se base sur deux éthiques contradictoires, soit l'éthique de Kant et l'éthique utilitariste. L'éthique de Kant, qui prône l'obligation inconditionnelle du respect de son prochain, s'est formée à partir de la tradition judéo-chrétienne. L'éthique utilitariste, pour sa part, s'appuie sur le principe de maximisation du "Bien" en minimisant le "Mal". Cette dernière a des origines plus païennes que chrétiennes. Avec le temps, les fondements éthiques de la bioéthique en sont cependant venus à s'homogénéiser. Ces principes étant détachés de leurs origines, on leur reconnaît une sagesse indépendamment de la philosophie qui les a formulés. Même s'il est évident que les principes de l'éthique sont présents dans la bioéthique, nul ne s'entend pour dire si la bioéthique est indépendante de l'éthique traditionnelle, si elle ne constitue qu'une branche de cette dernière ou si elle n'en est tout simplement que l'évolution. Selon Robert Misrahi, auteur du livre La signification de l'éthique, il n'y a pas d'éthique propre à une profession. Il n'y a, selon lui, qu'une seule éthique, qui se déploie en suivant des modalités et des implications différentes, selon les tâches ou les buts spécifiques visés, qu'ils soient professionnels ou non. Ainsi, il poursuit en affirmant que nous n'avons pas à définir une notion de "bioéthique", mais à reprendre l'éthique elle-même, telle que nous l'avons définie et à tenter, de partir de là, de résoudre les problèmes qui se posent (et que l'éthique pose) dans les activités concrètes, relatives à la santé et à la vie. Il termine en disant qu'il nous faut désormais réfléchir sur l'éthique et la santé et sur l'éthique et la vie, et non pas sur l'éthique de la santé ou de la vie. Selon Mme Bartha Maria Knoppers, avocate et professeure en droit à l'Université de Montréal se spécialisant en bioéthique, cette discipline récente est plutôt une évolution de l'éthique traditionnelle. Elle considère que la bioéthique est une éthique universelle, qui s'applique à toutes les sphères de la vie biologique que ce soit celle de l'homme, des animaux ou de toute autre composante de la nature.

En fin de compte, la principale différence entre l'éthique et la bioéthique, sont les notions du "Bien" et du " Mal ". Dans le cas de l'éthique, une action est considérée "Bien" ou "Mal" selon qu'elle est en accord ou en désaccord avec les valeurs morales prônées par la société. Pour ce qui est de la bioéthique, il n'existe pas de bornes aussi bien définis tel que le "Bien" et le "Mal ". Il faut alors faire référence à la notion de "l'acceptable". Ainsi, en tentant de définir ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas, la bioéthique comble le vide laissé par l'éthique traditionnelle.

Les rôles de la bioéthique

Depuis les dernières décennies, les progrès dans le domaine des sciences n'ont pas cessé de se multiplier. Une grande réflexion s'avère désormais nécessaire quant aux gestes qu'il est possible de poser et ceux qui doivent l'être. L'absence d'une telle remise en question pourrait avoir de graves conséquences sur la société, et ce, dans un futur rapproché. Du côté médical, ces questions portent sur des problèmes complexes relatifs à la pratique des médecins, aux soins administrés aux patients et aux valeurs morales et sont souvent très longs à résoudre.

- Pourquoi est-il si important de penser aux conséquences de nos actes aujourd'hui?

Principalement à cause du fait que dans les dernières années, l'homme a découvert et a réalisé des choses qui, jusque-là, constituaient des obstacles insurmontables. Plusieurs de ces réalisations font toutefois l'objet de nombreuses controverses, surtout à cause des différences dans l'origine, la religion, les valeurs et la culture personnelle de chaque individu. De plus, le développement technologique dans le domaine biomédical permet des choses que l'on n'aurait jamais imaginé (clonage, bébé in vitro, etc.) auparavant et qui sont encore méconnues par un grand nombre de personnes.

- À quoi s'intéresse la bioéthique?

Voici, selon la Société Canadienne de Bioéthique, les principales préoccupations de cette discipline: "La bioéthique s'intéresse aux problèmes pratiques touchant la prise de décisions tant sur le plan clinique et professionnel que sur le plan de l'élaboration de politiques". En fait, la bioéthique tente de définir les limites de ce qui est moralement acceptable par rapport à ce qui est inacceptable, dans les domaines de la recherche et des découvertes scientifiques et biomédicales. Elle doit définir ce qui est "normal", c'est-à-dire ce que la majorité de la population trouve moralement inacceptable de ce qui est contraire aux valeurs de la majorité dans une société donnée. La bioéthique s'avère indispensable dans la prise de décisions concernant plusieurs problèmes. Voici quelques situations où cette discipline est omniprésente. L'avortement est l'une des questions qui a suscite le plus de débats en bioéthique. Est-il acceptable qu'une femme se fasse avorter, et si oui, dans quelles conditions est-ce que cela doit être permis? Aujourd'hui, cette intervention est légale au Canada et est de plus en plus acceptée ou du moins tolérée par une bonne partie de la population. Par contre, dans plusieurs pays où l'église est très présente, il est encore strictement défendu de le pratiquer. Voici l'exemple d'un cas type où l'on fait appel à des comités de bioéthique afin d'en arriver à ce que le meilleur jugement possible soit rendu. Une équipe internationale de chirurgiens a réalisé à Lyon, dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 septembre 1989, la greffe d'une main sur un homme amputé. Est-ce que ce geste est moralement acceptable? Est-ce que la majorité de la population trouve acceptable ou normal que l'on greffe la main d'un individu sur un autre?

En fait, un des rôles de la bioéthique est celui de représenter ce que pense la majorité de la population, et d'en faire une convention. Comme chaque individu a sa propre opinion, il est essentiel d'avoir une référence, particulièrement dans un domaine épineux comme celui de la santé. Puisque notre société évolue continuellement et que le mode de vie ainsi que les ressources disponibles changent eux aussi au fil du temps, les questions relatives à la bioéthique doivent constamment être révisées. De plus, comme chaque cas est individuel, il est difficile d'établir des règles et des moyens d'actions s'appliquant à toutes les situations.

Autrefois, l'Église dominait la société par ses valeurs et les gens, en majorité plus croyants qu'aujourd'hui, mettaient toute leur confiance entre les mains de Dieu. Puis, commence une période où l'on croyait que la science était l'unique détentrice de la vérité. Du moment qu'une chose était prouvée scientifiquement, elle était nécessairement vraie. Plusieurs rôles qui reviennent aujourd'hui à la bioéthique appartenaient donc jadis à la religion, puis, par la suite, aux médecins. Par contre, dans les dernières décennies, un fait important a fait émergence et est venu altérer la confiance absolue des gens envers la science. En effet, certaines découvertes scientifiques se sont révélées comme n'étant pas nécessairement bonne pour l'humanité et que celles-ci, si elles n'étaient pas contrôlées ou même enrayées dans certains cas, pourraient être utilisées à des fins dangereuses et amener des situations irréversibles. La bioéthique est donc là pour agir de façon préventive et pour montrer aux gens que tout ce qui relève des sciences n'est pas automatiquement bon. Le clonage, par exemple, pourrait, sous certaines conditions, s'avérer utile, tout dépendant dans quelle intention il est utilisé. La bioéthique est là pour éveiller les scientifiques, les chercheurs et la population aux dangers qui guettent une trop grande liberté d'actions non réfléchies. La bioéthique éclaire les esprits sur diverses questions. Elle agit comme un phare directeur.

Un autre rôle de la bioéthique se trouve du côté législatif. La bioéthique ne se prononce pas comme tel sur ce qui se rapporte à la législation, mais ses principes s'avèrent être d'une grande utilité dans ce domaine. Elle amène un appui important lorsqu'il s'agit d'adopter de nouvelles lois. Au Canada, par exemple, certaines provinces ont fait appel à cette dernière dans le but de créer une loi sur les dons d'organes. Bien que la bioéthique n'ait peut-être aucun pouvoir direct sur les lois, celles-ci doivent cependant respecter les principes propres à cette discipline. Il suffit de penser à la question de l'avortement. De 1892 à 1969, l'avortement était interdit au Canada, sous peine de prison à perpétuité. À la suite de l'adoption d'une loi, en 1969, cette pratique devient légale, sous certaines conditions très strictes. Depuis 1988, il est tout à fait permis de pratiquer l'avortement; la décision d'avorter ou non étant laissée au médecin. Par exemple, certains médecins refusent de pratiquer un avortement une fois que le fœtus a dépassé l'âge de neuf semaines.

C'est surtout grâce à la bioéthique que l'avortement est désormais légalisé ici, au Canada. Il pourrait en advenir de même, dans le futur, pour ce qui est de l'euthanasie. Le cas exceptionnel de Nancy B., en 1992 avait fait énormément de bruit relativement à cette question. Cette jeune femme paralysée et dépendante d'un respirateur artificiel, ne pouvait ni parler, ni bouger. Elle exprima alors son désir de faire débrancher le respirateur artificiel qui la maintenait en vie devant un tribunal. Un tel geste entraînait automatiquement sa mort. Le juge insista sur le fait que son cas ne constituait pas celui d'un suicide assisté, c'est-à-dire un cas d'euthanasie. Ce fût très long avant que son souhait ne fût exaucé. Pourtant, cette femme était tout à fait en état de faire un choix éclairé quant à ses propres conditions de vie. Ainsi, le droit criminel ne se base pas toujours sur les principes propres à la bioéthique; l'euthanasie est encore formellement interdite aujourd'hui, au détriment de ceux qui souhaitent mettre une fin à leur souffrance.

Les préoccupations propres à la pratique de la médecine occupent une grande place dans la bioéthique. De la relation patient-médecin, au choix du type de médication administrée et au droit de refuser des traitements, en passant par les différents contraceptifs autorisés et par la recherche sur les humains et sur les conditions entourant la mort des patients, tous ces problèmes se rapportent directement à la bioéthique. Celle-ci doit tenter de tracer la ligne de conduite morale à suivre pour chacun des cas mentionnés et bien d'autres. Elle observe la population, étudie les causes et les conséquences et en arrive à une conclusion, représentant ce qui semble le plus acceptable.

Du côté de la biologie, la bioéthique s'occupe de gérer toutes les recherches portant sur l'ADN, c'est-à-dire qui sont relatives aux gènes, au clonage, aux organismes génétiquement modifiés, etc.). Ces termes représentent des sujets d'actualité. De grands débats se déroulent un peu partout dans le monde présentement, à savoir qu'est-ce que l'on peut cloner et si une telle réalisation est moralement acceptable. La production d'OGM entraîne de nombreuses questions. La population s'inquiète sur les effets, à long terme, d'une consommation d'aliments transgéniques. Il relève du rôle de la bioéthique de se pencher sur ces problématiques. La bioéthique est en constante évolution. Elle suit nos développements, elle nous surveille.

En résumé, il ne faut pas oublier que la bioéthique est là pour imposer certaines limites, afin d'empêcher que surviennent des situations dangereuses pour l'humanité et irréversibles. Les technologies récentes permettent de faire tant de choses dont plusieurs pourraient s'avérer désastreuses. Pourtant, quelques chercheurs sont quand même prêts à faire ces expériences (clonage et modifications génétiques sur des plantes, des animaux et même des humains) quelles qu'en soit les conséquences. C'est là que la bioéthique intervient, en tentant de délimiter du mieux possible ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas, selon le lieu où la situation se présente ainsi qu'en tenant compte des croyances, des valeurs et de la religion de la population concernée. Finalement, la bioéthique joue le rôle d'un ange gardien qui nous ouvre les yeux face aux dangers possibles, envers nous et envers les autres, que pourrait entraîner une trop grande dose de zèle.

-Renaud & Philippe